♦ Kinderzimmer

Valentine Goby

Edition : Actes Sud

Genre : Historique
20 € ____ 218 pages

Paru en France en 2013

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“Je vais te faire embaucher au Betrieb. La couture, c’est mieux pour toi. Le rythme est soutenu mais tu es assise. D’accord ?

– Je ne sais pas.

– Si tu dis oui c’est notre enfant. Le tien et le mien. Et je te laisserai pas.

Mila se retourne :

– Pourquoi tu fais ça ? Qu’est-ce que tu veux ?

– La même chose que toi. Une raison de vivre.”

En 1944, le camp de concentration de Ravensbrück compte plus de quarante mille femmes. Sur ce lieu de destruction se trouve comme une anomalie, une impossibilité : la Kinderzimmer, une pièce dévolue aux nourrissons, un point de lumière dans les ténèbres. Dans cet effroyable présent une jeune femme survit, elle donne la vie, la perpétue malgré tout.

Un roman virtuose écrit dans un présent permanent, quand l’Histoire n’a pas encore eu lieu, et qui rend compte du poids de l’ignorance dans nos trajectoires individuelles.

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Note : 8/10. Une histoire rare et originale, qui dépeint avec une réalité troublante la vie du camp de Ravensbrück, 1944.
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Qu'en penses-tu, Erenella ?

Avant toute chose je souhaite remercier mon amie et fidèle lectrice Violaine pour cet envoi. Sa générosité est incontestable. J'avais déjà entendu parler une fois de ce titre, dont le résumé m'avait interpellé. Je l'avais complètement oublié jusqu'à ce qu'elle propose de me l'envoyer. Donc : un grand merci ma belle ! ;-)

J'ai beaucoup aimé ce livre. Certes, il est court, mais le contenu est tellement dense et dur que l'on est obligé de prendre son temps pour bien digérer chaque information donnée. Nous suivons ici Suzanne, alias Mila, déportée en 1944 au camp de Ravensbrück en Allemagne. Ce camp est exclusivement réservé aux femmes. Son destin semble ressembler à celui de milliers d'autres personnes. Cependant Mila a quelque chose en plus : elle est enceinte. Tout au long du livre, on se demande si sa grossesse va aboutir, si l'enfant dans son ventre ne va pas la tuer à petit feu, et si il arrive à naître (dans un décor franchement sinistre) si il va pouvoir survivre.

Outre cette grossesse, j'ai découvert à travers ce roman les conditions de vie au camp de Ravensbrück. Oh, on voit beaucoup de films, de documentaires qui parlent de ce sujet. Toutefois je n'ai jamais été autant immergée au cœur du quotidien de prisonniers qu'à travers ce livre. L'écriture très visuelle de Valentine Goby arrive à nous faire passer un sentiment de malaise intense à certains moments. On trouve le manque d'eau et de nourriture évidemment, l'odeur insoutenable de mort et d'excréments, les vols du peu d'effets personnels qu'il reste aux prisonnières, les maladies qui les ronge, la perte d'êtres chers... La terreur que provoque les gardiens du camp, les travaux forcés. Rien n'est oublié.

A un moment donné, nous suivons Mila dans la Kinderzimmer. C'est là que sont gardés les bébés qui naissent au camp. Avant ce roman, je n'en avais jamais entendu parler. Je me demandais avant d'y arriver : est-ce que les bébés sont bien nourris ? A combien s'élève le taux de mortalité ? Est-ce que les mères ont droit à quelques privilèges après l'accouchement ? Dans ce roman, j'ai eu chacune de mes réponses. C'est une dimension que je ne connaissais absolument pas et je trouve ça dommage de n'en avoir jamais entendu parler jusque là.

On sent l'immense détresse que ressent Mila. Elle n'a toutefois qu'un objectif : tenir. Tout tient en ce mot. Tenir pour elle, pour le bébé, pour les siens. Tenir jusqu'au bout et malgré l'épuisement. C'est une femme forte et c'est d'autant plus intéressant de suivre un personnage comme elle, car au bout d'un moment tout passe par la volonté et le mental.

Mais ce roman est aussi un roman d'espoir. La solidarité qui naît entre certaines prisonnières en est le témoin. Le dernier tiers du livre m'a plu parce qu'on change de décor et d'état d'esprit, même si la douleur et le malheur ne sont jamais bien loin... La fin apporte une note de soulagement et de "légèreté" malgré ce que l'on pourrait croire.

C'est un roman que je recommande, parce qu'il fait parti de ces romans que l'on peut qualifier de mémoire. Il traite d'un sujet original : la vie d'une femme enceinte dans un camp de concentration. Cependant il n'est pas à mettre entre toutes les mains ! Il faut éviter de le lire si vous n'êtes pas dans un état d'esprit bien disposé. Parce que malgré sa longueur assez réduite, il se lit lentement. Parce qu'il est dur. Mais il est vraiment complet et bien exploité. Valentine Goby a réussi à m'emmener près de 70 ans en arrière aux côtés de Mila et des siens, et il m'arrivait de sortir de ma lecture avec un profond malaise. Il va me marquer pour un bout de temps !

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En voici  quelques citations :

« Etre utile ça maintient en vie. »

« Contre toute attente, ce qui arrive est une échappatoire, le ventre un lieu que personne, ni autorité, ni institution, ni parti ne peut conquérir, coloniser, s’accaparer tant que Mila garde son secret. Elle y est seule, libre, sans comptes à rendre, on peut bien prendre sa gamelle, voler sa robe, la battre au sang, l’épuiser au travail, on peut la tuer d’une balle dans la nuque ou l’asphyxier au gaz dans un camp annexe, cet espace lui appartient sans partage jusqu’à l’accouchement, elle les as eus, les Boches ; plus qu’un enfant, c’est bien ça qu’elle possède : une zone inviolable, malgré eux. Et comme disait son père, qu’ils crèvent ces salauds. »

« Il faut des historiens, pour rendre compte des événements ; des témoins imparfaits, qui déclinent l'expérience singulière ; des romanciers, pour inventer ce qui a disparu à jamais : l'instant présent. »

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